Outre la gloire de la virginité et du martyre, cette illustre romaine a cet avantage d'être fille et sœur de martyrs. Son père, Flavien, qui avait été préfet de Rome, fut mis en prison pour la foi sous le règne de Julien l'Apostat mais, ayant refusé avec une constance héroïque d'adorer les idoles, dont ce détestable empereur tâchait de ressusciter le culte, il fut marqué au front comme un esclave, et envoyé aux eaux taurines, en Toscane, où, accablé de toutes sortes de misères, il finit glorieusement sa vie le 22 décembre 362. Pour Dafrose, sa mère, elle fut d'abord enfermée dans sa maison avec ses filles, afin qu'elles y mourussent toutes de faim mais ce supplice paraissant trop long au tyran, il lui fit trancher la tête hors les murs de Rome, le 4 janvier de l'année suivante. Viviane et Démétrie, ses filles, ne furent pas traitées avec moins de cruauté car Apronien, prêteur de Rome, après avoir confisqué tous leurs biens, ne cessa point de les persécuter. II les fit d'abord enfermer dans une étroite prison, avec défense de leur donner à manger, espérant que la rigueur de la faim les ferait enfin changer de sentiment. Ensuite, les trouvant plus fortes et d'une santé plus florissante que jamais, parce que Dieu les y avait nourries par miracle, bien loin d'être touché de ce prodige, il les menaça des plus horribles supplices et d'une mort cruelle et honteuse, si elles ne se rendaient aux volontés de l'empereur ; au lieu que, si elles lui obéissaient, elles recouvreraient leurs biens et on leur ferait trouver des partis avantageux. Mais nos généreuses vierges étaient trop bien établies dans la foi par l'instruction et l'exemple de leurs parents pour se laisser ébranler par ces menaces, ou charmer par l'éclat de ces promesses aussi elles répondirent courageusement à Apronien, que les biens et les avantages de ce monde n'avaient nul attrait pour elles, et qu'elles endureraient plutôt mille morts que de manquer de fidélité à Jésus Christ. Démétrie, en disant ces paroles avec une ardeur inconcevable, tomba morte en présence de sa sœur, et, par cette mort bienheureuse, elle alla recevoir dans le ciel la couronne du martyre, comme il est marqué dans le martyrologe romain du 21 juin.
Pour Viviane, le tyran la mit entre les mains d'une très méchante femme nommée Ruffine, afin qu'elle tâchât de la corrompre. Cette misérable se servit de toutes les inventions imaginables. Elle y employa d'abord les caresses, les flatteries et les bons traitements ; ensuite elle passa aux injures, aux menaces et aux coups, jusqu'à la maltraiter tous les jours d'une manière très indigne. Mais, comme tous ces moyens ne servirent de rien et ne purent jamais ébranler la constance de la sainte sur la résolution de demeurer vierge et chrétienne, Apronien, irrité de se voir vaincu par une jeune fille, la fit dépouiller et attacher à une colonne, et les bourreaux, par son ordre, la fouettèrent avec des cordes plombées, jusqu'à ce qu'elle eût rendu l'âme par la violence d'un si grand tourment (363).
Son saint corps fut jeté dans un lieu public, pour être dévoré des chiens mais là divine Providence le conserva et ils n'osèrent en approcher, de sorte qu'après deux jours un saint prêtre, nommé Jean, trouva moyen de l'enlever et de l'enterrer auprès de celui de sa mère et de sa sœur. Une jolie petite église a été élevée en 363 en son honneur, par une matrone romaine nommée Olympie, sur l'emplacement même du palais de son père. Une magnifique urne d'albâtre oriental, placée sous l'autel, renferme le corps de sainte Viviane et aussi ceux de sa sœur sainte Démétrie et de sa mère sainte Dafrose … On voit encore dans cette église la colonne de rouge antique à laquelle elle avait été attachée pour être flagellée. Cette petite église se trouve maintenant isolée dans la campagne.
Sources :
« Sainte Bibiane ou Vivienne, vierge et martyre à Rome », dans Paul Guérin, Les Petits Bollandistes : du 1er décembre au 31 décembre, t. XIV, Paris, Bloud et Barral, 1876, p.23 (en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k307444/f29.item.texteImage)