Hermès était un riche patricien de Rome, converti par le pape Alexandre. Il affranchit ses esclaves, qui se montaient à plus de douze cents, sans compter les femmes et les enfants. Cette conversion, qui avait été accompagnée de celle de sa femme et de sa sœur, fit un grand éclat dans Rome ; dès que le comte Aurélien y fut arrivé, de la part de l'empereur, que la mort enleva cette même année, les prêtres des idoles coururent au palais pour lui demander justice contre Alexandre et Hermès, parce qu'ils avaient retiré du culte des dieux plusieurs milliers de personnes.
Aurélien les fit aussitôt arrêter et mener prisonniers chez le tribun Quirin : celui-ci demanda à Hermès comment il se faisait qu'il eût déserté le culte national. « J'ai été, comme vous, dans l'erreur », répondit-il, « et je me moquais de la religion des chrétiens ; mais Alexandre que vous tenez dans les liens, m'a désabusé et m'a fait ouvrir les yeux pour connaître la vérité ». - « Eh bien » repartit Quirin, « si cet Alexandre que vous tenez pour un saint, et que je crois être magicien, peut se délivrer de ses chaînes et vous venir trouver cette nuit, ou rompre les vôtres, afin que vous-même puissiez l'aller trouver, j'ajouterai foi à ce que vous dites ». Hermès convint de cela, et aussitôt le tribun se rendit au cachot d'Alexandre, pour le charger de nouvelles chaînes et faire redoubler sa garde mais le saint pape n'eut pas plus tôt fait sa prière, qu'un ange sous la forme d'un enfant de cinq ans, tenant un flambeau à la main, se présenta à lui et le conduisit à la chambre d'Hermès. Quirin y entra quelques instants après, et fut bien surpris de les trouver en liberté, faisant ensemble leurs prières, les bras étendus au ciel. « Vous voyez », lui dit Hermès, « qu'il n'y a rien d'impossible à Jésus Christ ; mais, afin que vous soyez encore plus convaincu de sa puissance, vous nous trouverez ce matin l'un et l'autre chargés de nos chaînes comme auparavant ».
Le tribun ne se rendant pas à ces merveilles, Hermès continua : « J'avais un fils unique qui tomba malade sa mère et moi le portâmes au Capitole, pour sacrifier aux dieux et faire de grands présents aux prêtres, afin d'obtenir sa guérison. Cependant il mourut : sa nourrice me dit que, si je l'eusse porté à l'église de Saint-Pierre et cru en Jésus-Christ, je lui aurais sauvé la vie. » - « Pourquoi donc », lui dis-je, « n'y allez-vous pas vous-même, pour lui demander la vue que vous avez perdue (car elle était aveugle) ? » – « Il y a cinq ans », dit-elle, « que je serais guérie, si j'y étais allée et que j'eusse cru au vrai Dieu ». - « Allez-y donc », lui répliquai-je, « et, si vous obtenez l'usage de vos yeux, je croirai qu'Alexandre pourra ressusciter mon fils. Elle y alla sur les trois heures, et sur les six heures elle revint à moi parfaitement guérie ; puis, prenant mon fils entre ses bras, elle le porta au saint pape, qui lui rendit la vie. Je m'allai aussitôt jeter à ses pieds, pour le remercier et le prier de me faire chrétien ; dès ce jour-là, je crus en Jésus-Christ. J'ai donné une partie de mes biens à l'Eglise, une autre à mes esclaves avec la liberté, et le reste aux pauvres : maintenant, je ne crains point la confiscation ni aucune menace d'un homme mortel ».
Quirin, convaincu par ce récit, se jeta aux pieds des saints martyrs et leur dit : « Vous gagnerez aujourd'hui mon âme à Jésus Christ ; j'ai une fille, nommée Balbine, que je veux marier ; il ne manque rien à la beauté de son visage, mais elle est affligée des écrouelles ; guérissez-la et je me fais chrétien ». Alexandre lui dit de la lui amener, et lui rendit une parfaite santé : ce qui fut cause de sa conversion, de celle de sa fille et des autres prisonniers, qui furent tous baptisés par le saint pape. Tous aussi reçurent la couronne du martyre, par la cruauté d'Aurélien, avec saint Hermès, qui eut la tête tranchée. La vierge Théodore, sœur de notre saint martyr, prit son corps et l'enterra sur la voie Salaria, assez près de Rome, d'où, l'an 831, il fut transféré dans la ville de Munster, à la sollicitation de l'empereur Lothaire. Depuis, sous Louis, fils du même Lothaire, il a été porté à Renaix, au comté de Flandre, entre Tournai et Audenarde, où il est fort honoré, ainsi que le rapporte le docte Mirée, dans son Recueil des saints de Flandre et de Bourgogne. Le pape Pélage II fit faire un cimetière sous son nom.
Sources :
« Saint Hermès, martyr à Rome », dans Paul Guérin, Les Petits Bollandistes : du 18 août au 9 septembre, t. X, Paris, Bloud et Barral, 1876, p.277 (en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30740r/f283.item)