Marcia Rusticula, issue d'une famille noble, naquit l'an 555, à Vaison en Provence. Elle perdit son père le jour même de sa naissance. Elle eut un frère aîné qui mourut en bas âge. N'étant encore que dans sa cinquième année, elle fut enlevée par un seigneur nommé Chéran, qui se proposait de l'épouser lorsqu'elle serait nubile. La vénérable Liliole, abbesse de Saint-Césaire d'Arles, fut instruite de cet enlèvement, et sut, par le moyen de Syagre, évêque d'Autun, tirer la jeune Rusticule des mains du ravisseur. Elle la reçut dans sa communauté, et la fit élever dans les maximes de la piété. Rusticule montra les plus heureuses dispositions pour la vertu elle conçut un grand mépris pour toutes les choses de la terre, et résolut de passer le reste de ses jours dans le monastère où elle était. Inutilement sa mère fit des efforts pour la rengager dans le monde.
Devenue religieuse, elle ne s'occupa que de l'accomplissement de sa règle. Elle apprit par cœur tous les livres de l'Ecriture. Elle s'étudiait à oublier les belles qualités du corps et de l'esprit qu'elle avait reçues de la nature, et ne se distinguait que par sa modestie et son humilité. Elle était si estimée de sa communauté, qu'on l'élut abbesse après la mort de la vénérable Liliole, quoiqu'elle n'eût guère plus de dix-huit ans. Elle répondit à l'espérance qu'on avait conçue d'elle. Son zèle pour les austérités était étonnant ; souvent elle ne faisait qu'un repas en trois jours. Elle veillait sur chacune de ses religieuses, quoiqu'elles fussent au nombre de trois cents.
Clotaire III, roi de Soissons, après avoir fait mourir Brunehaut, reine d'Austrasie, cherchait partout, pour lui faire subir le même sort, le petit-fils de la défunte, Childebert, qui s'était échappé de ses mains. Il se répandit un bruit que ce prince était caché à Arles, dans le monastère de Saint-Césaire. Clotaire alarmé fit aussitôt arrêter l'abbesse Rusticule. Elle fut conduite à la cour. Ses calomniateurs regardaient déjà sa perte comme certaine. Mais Dieu confondit ses ennemis et fit éclater son innocence. Domnole, évêque de Vienne, se déclara ouvertement le défenseur de l'abbesse d'Arles contre ses accusateurs, et prédit au roi qu'en punition des mauvais traitements qu'il avait fait souffrir à la servante du Seigneur, il perdrait son fils. Le jeune prince mourut en effet. La sainte abbesse confondit encore mieux la calomnie par l'éclat de ses miracles et de ses vertus, qui édifièrent toute la cour. Clotaire, persuadé que le ciel prenait en main la cause de cette sainte religieuse, lui rendit la liberté. Rusticule souffrit cette épreuve avec beaucoup de résignation, et pardonna à tous ceux que la malignité ou la prévention avait armés contre elle.
De retour dans sa communauté, elle continua de gouverner avec la même édification. Elle s'appliquait à ne point exiger de ses religieuses des travaux qui fussent au-dessus de leurs forces mais en même temps elle les tenait toujours occupées, pour les garantir du danger de l'oisiveté. Elle mourut en 632, et fut enterrée dans son monastère par Théodose, évêque d'Arles. On transporta depuis son corps dans la cathédrale dédiée sous l'invocation de saint Trophime. Mais on laissa son chef dans l'abbaye de Saint-Césaire, qui, à l'époque de la Révolution, était depuis longtemps sous la règle de Saint-Benoît, et qu'on appelait communément le Grand-Couvent.
On la représente souvent versant des pleurs, soit à cause du don des larmes qu'elle avait reçu de Dieu dans ses oraisons, soit à cause des persécutions qu'elle eut à essuyer.
Sources :
« Sainte Rusticule ou Rusticle, abbesse de Saint-Césaire d'Arles », dans Paul Guérin, Les Petits Bollandistes : du 24 juillet au 17 août, t. IX, Paris, Bloud et Barral, 1876, p.452 (en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30739j/f458.item)