Nichorète ou Nicarète, dont le nom signifie Victoire de la vertu, était de l'une des plus illustres familles de Nicomédie, dans la Bithynie. Elle fut élevée avec un grand soin dans les maximes et les sentiments d'une piété solide et la pratique de toutes les vertus chrétiennes. Ses qualités distinctives furent une humilité profonde et une admirable modestie. On ne sait quand ni à quille occasion cette humble vierge quitta sa ville natale ; il est seulement certain qu'elle sortit de Nicomédie et vint habiter Constantinople, où elle fit profession de vivre le reste de ses jours au service de Dieu et du prochain, dans une virginité perpétuelle, employant toute les richesses de son ample patrimoine en oeuvres de charité. Elle se mit à étudier la propriété des plantes médicinales, à en préparer des remèdes pour les pauvres malades, guérissant bien souvent ceux que les médecins n'avaient pu soulager, et faisant des cures qui semblaient miraculeuses, et l’étaient parfois réellement.
Nichorète vivait à Constantinople, dans une retraite profonde, ayant grand soin de cacher ses bonnes œuvres, pour ne pas s'exposer à en perdre le fruit : les applaudissements des hommes renferment en effet un poison qui peut tout corrompre, en inspirant une vaine complaisance en soi-même et en ses actions. Elle ne voulut jamais consentir, malgré les instances de saint Jean Chrysostome, son évêque, à se laisser élever au rang de diaconesse. Jamais non plus il ne put la décider à se charger de la conduite des vierges de Constantinople, qui vivaient sans être enfermées en des monastères, seules ou au sein de leur famille. Tout son bonheur était de demeurer inconnue et de mener une vie cachée en Dieu.
Cependant une si rare vertu ne put rester ignorée du monde ; un mérite si éclatant lui attira des envieux et des ennemis, et la servante du Seigneur dut être éprouvée par le feu des tribulations. Etant demeurée inviolablement fidèle à son grand et saint évêque, en qui elle vénérait le Sauveur, unique objet de son attachement, sur la terre et dans le ciel, la charitable vierge mérita d'avoir part aux persécutions qu'on suscita si malignement à cet illustre docteur de l'Eglise. Après qu'on l'eut chassé de son siège, en l'an 404, on voulut forcer Nichorète et beaucoup d'autres vierges, sainte Olympiade et beaucoup d'autres pieuses veuves, à reconnaître l’autorité de l’intrus Arsace. Aucune d'elles n'en voulut rien faire.
Un bon nombre de ces femmes courageuses, pour qui la conscience passe avant tout, au lieu de se voir sans cesse exposées à toute espèce d'insultes, aimèrent mieux sortir de Constantinople, et se condamner à un bannissement volontaire. Nichorète prit ce parti : joignant un grand courage, un parfait désintéressement à sa merveilleuse humilité, sans se plaindre de l'odieuse injustice qui l'avait dépouillée de la plus belle partie de ses biens, elle courut à l'exil. Par son économie, et surtout par ses abstinences, le peu qu'on lui avait laissé comme rigoureusement nécessaire lui suffit non seulement pour vivre, mais encore pour faire des libéralités et des aumônes.
Cette sainte fille passa le reste de ses jours dans l'exercice continuel des vertus, sans jamais se départir de sa première ferveur, jusqu'à une vénérable vieillesse, profitant à plusieurs par ses bons exemples, ses sages avis, ses pieuses libéralités. Le Seigneur, voulant la récompenser de tant de persévérance, daigna la retirer de ce monde pour la placer en compagnie de ses vierges dans le ciel, le 27 du mois de décembre, vers l’an 440. On ignore quelle contrée fut témoin de ses derniers moments, et en quel lieu ses dépouilles mortelles furent déposées : Dieu, qui en a gardé le secret, saura les retrouver au jour de sa justice.
Sources :
« Sainte Nicarète ou Nicérate de Nicomédie, vierge », dans Paul Guérin, Les Petits Bollandistes : du 1er décembre au 31 décembre, t. XIV, Paris, Bloud et Barral, 1876, p.494 (en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k307444/f500.item.texteImage)